Principaux produits chimiques utilisés en Lichénologie
par Jean-Pierre Gavériaux - jp.gaveriaux@numericable.fr - 2ème partie


 

1. les produits pour les réactions
colorées thallines

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2. les réactifs pour l'étude des
structures microscopiques

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3. les réactifs pour les
microcristallisations

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4. les produits pour la
chromatographie

2ème partie - Les produits pour les observations microscopiques


 

 

 

Les milieux de montage et d'observation sont les produits dans lesquels on place la coupe pour une observation temporaire ou semi-temporaire. Ces produits n'altèrent pas (ou peu) les couleurs naturelles.

 

Montage dans le chloral lactophénol après coloration au bleu coton C4B

 

Algues de Placynthiella oligotropha

Montage dans l'eau glycérinée

 

Les milieux de montage et d'observation

 

Si l'étude macroscopique des lichens permet d'identifier quelques dizaines d'espèces, il faut, dans la plupart des cas, utiliser le microscope afin d'obtenir les renseignements nécessaires pour progresser dans les clés de détermination. L'observation et la mesure des cellules et structures fongiques, à différents grossissements, sont indispensables pour obtenir les informations susceptibles de nous orienter vers une détermination plus fiable. 

 

Exemple : à l'œil nu nous pouvons apprécier la couleur des spores (ou plus généralement de la sporée) mais l'observation au microscope sera très enrichissante en nous donnant des précisions sur la forme (sphérique, ovoïde, fusiforme, aciculaire...), la septation (nombre, disposition et épaisseur des cloisons), l'ornementation (réticules, pointes, tubercules, verrues, ailes...), la guttulation (présence de petites gouttelettes de graisse dans le cytoplasme), l'existence et position d'un pore germinatif, sans oublier les dimensions évaluées à l’aide d'un micromètre oculaire. 

 

Si certaines de ces observations peuvent se faire dans l’eau, il est clair que de nombreuses structures ne seront décelées qu’en présence de produits chimiques judicieusement sélectionnés. Ces différents milieux d’observation, colorants, réactifs microchimiques, milieux de montage… seront conservés dans des petits flacons compte-gouttes en verre fumé, au sec, à l’abri de la lumière et de la chaleur.

 

Rappel : le fragment d'organe à étudier au microscope est toujours placé entre deux lames de verre. Celle du dessous, la plus grande, de dimensions 26x72 mm, ayant une épaisseur d'environ 1mm, porte le fragment à étudier dans un liquide de montage ; on l'appelle porte-objet ou plus simplement lame. Celle du dessus, en verre très mince, en général de 0,17 mm d'épaisseur, couvre  le fragment à étudier, c'est le couvre-objet ou lamelle. On utilise généralement des lamelles carrées du 18x18 au 22x22 mm. Lorsque la préparation microscopique est terminée, on dit que l'objet est monté entre lame et lamelle.

 

Le fragment est placé sur une lame dans un milieu liquide choisi en fonction de la nature du fragment, de la structure à observer et de la destination de la préparation. Pour savoir si une spore est ronde ou ovale, un montage dans l'eau suffit mais la confection d'une préparation que l'on désire conserver pour prendre des photographies est beaucoup plus laborieuse et nécessite l'utilisation de plusieurs de ces milieux.

 


 

 

Spores d'Amandinea punctata

Montage dans l'eau (JM Sussey)

 

 

Spore de Pyrenula chlorospila

Montage dans le lactophénol

 

 

Hétérocyste de Stigonema

d'un thalle d'Ephebe lanata

Montage dans l'eau (O. Gonnet)

 

 

Asque et spores de
Rinodina pyrina

Montage dans l'eau

 

 

Spores de Thelidium papulare

Montage dans l'eau

 

 

Spores de Cyphelium notarisii

(Chloral lactophénolé)

 

 

Spore de Solorina saccata

(montage dans l'eau)

Photo Olivier Gonnet

 

 

Gaine mucilagineuse (2)

d’ascospore (3) mise en évidence

dans l’encre de chine diluée (1)

qui ne pénètre pas dans le mucilage

a) L'eau : le plus simple de ces milieux d'observation est l’eau. Très utilisé par les mycologues et les lichénologues pour de nombreuses vérifications de routine, ce milieu d'observation, qui ne détruit rien (sauf les pigments hydrosolubles mais ils sont exceptionnels), ne modifie pas les couleurs ; c'est le seul milieu qui permet l'étude des cellules vivantes sous l'objectif à immersion (H. O. Baral a décrit le mécanisme d'expulsion des spores chez de nombreux Ascomycètes en observant les asques montés dans l'eau à l'aide d'un objectif x100 planapochromatique ouvert à 1,40 et d'un oculaire x15.

 

Remarque : l'eau SDS à 1%
Il est parfois difficile de faire entrer les coupes dans l'eau. Il suffit alors de prendre de l'eau additionnée d'un détergent ou mieux de Sodium Dodécyl Sulfate (SDS), un agent tensio-actif anionique qui rend la solution plus mouillante.

 

Composition de l'eau SDS à 1% :

Eau bidistillée ...................................  99 mL
SDS ..................................................  1 g

 

Coupe de thalle de Sticta limbata - montage dans l'eau (Olivier Gonnet)

 

Le milieu aqueux présente toutefois plusieurs inconvénients
- Évaporation assez rapide sous l'action de la chaleur dégagée par le système d'éclairage du microscope et nécessité de remettre de l'eau si l'observation se prolonge.
- Déplacement des petits éléments isolés (ex : spores) lors des mouvements d'eau entre la lame et la lamelle.
- Modification des formes : les cellules possèdent des poches, les vacuoles, remplies de substances diverses dissoutes dans l'eau ; les vacuoles des cellules sont des milieux concentrés qui attirent l'eau (phénomène de turgescence) ; l'eau entre donc dans les vacuoles, les distend et provoque une augmentation de volume des cellules ; il n'est donc pas possible d'utiliser ce milieu pour évaluer la taille des éléments à observer (l'utilisation d'eau sucrée ou salée à 8-12% évite ces phénomènes de gonflement des cellules mais suite à l'évaporation partielle de l'eau, des courants se créent et on assiste à des déplacements gênants).
- Indice de réfraction (n = 1,33) très inférieur à celui du verre (n = 1,515) avec deux conséquences :
a) les éléments hyalins, c'est-à-dire à la fois incolores et transparents, qui possèdent le même indice de réfraction que l'eau ne sont pas visibles ;
b) les rayons lumineux traversent une couche d'eau ayant un indice de réfraction inférieur à celui de la lame et de la lamelle ce qui ne permet pas d'exploiter correctement l'ouverture numérique des objectifs pour microscope (voir article précédent).

 

Il est donc indispensable de recourir à d'autres milieux d'observation comme l'eau glycérinée, le lactophénol, le chloral hydraté, le chloral-lactophénolé, les bases fortes… Plus l’indice de réfraction d’un milieu se rapproche de 1,515 (indice de réfraction du verre), plus ce milieu est éclaircissant.

 

b) Eau glycérinée : milieu de montage et d’observation utilisé en microscopie optique ; il remplace très avantageusement l’eau en évitant une évaporation trop rapide qui nuit à la qualité de l’observation. La formule la plus simple est l’eau glycérinée à 8% ; celle de Clémençon beaucoup plus élaborée est toutefois préférable, surtout pour l’étude des exsiccata.

 

Préparation de l’eau glycérinée selon Clémençon : 80 mL d’eau - 0,8 g de pastille de potasse (légèrement regonflant) - 0,8 g de NaCl (équilibre osmotique) - 0,5 g de mouillant (SDS) - 0,5 g de phénol (conservateur) - 20 g de glycérine.

 

Spore de Phaeographis dendritica - montage dans l'eau glycérinée

 

c) Le lactophénol a un indice de réfraction de 1,44 ; de conservation indéfinie, c'est également un bon regonflant (voir produits de réhydratation).

 

Préparer le lactophénol sous la hotte aspirante dans un ballon dont le col est couvert

d'un verre de montre en utilisant l’agitateur magnétique jusqu'à obtention d'une solution homogène.

Eau bidistillée ...................  20 mL
Glycérine .......................... 40 g (33,3 mL)
Acide lactique ...................  20 g (16,6 mL)
Phénol .............................  20 g

 

d) Le chloral hydraté a un indice de réfraction de 1,510 ; il regonfle également les tissus fongiques mais cette solution aqueuse s'altère rapidement ; il est nécessaire de renouveler fréquemment la préparation.

 

Composition

Chloral hydraté ..............................................................  5 g
Eau bidistillée ................................................................  5 g

 

Les éléments observés dans le lactophénol ou le chloral hydraté ne sont pas déformés (tailles mesurées avec précision) et les préparations sont bien transparentes. Ils donnent toutefois un mauvais contraste et sont employés le plus souvent en association avec ou, après action d’un colorant ou d’un réactif microchimique.

Contrairement à l’eau qui s’évapore rapidement et ne permet que des montages temporaires, ces milieux de montage visqueux permettent la réalisation de préparations qui se conservent plusieurs semaines (préparations semi-permanentes).

 

 e) Le Chloral au Lactophénol est très certainement l’un des meilleurs milieux d’observation actuellement disponible. Il présente plusieurs avantages :
- Une bonne viscosité qui empêche l’évaporation avec la chaleur des lampes ce qui évite de remettre du liquide de montage en cas d’observation prolongée.
- Un indice de réfraction élevé (n = 1,49) permettant d’exploiter avec succès les objectifs et condenseurs corrigés pour les aberrations géométriques et chromatiques.
- Une bonne lisibilité de la coupe en donnant des contours précis ce qui facilite les mesures.
- L’hydrate de chloral ramollit les structures, ce qui rend la dissociation plus facile que dans le lactophénol (dont l’indice de réfraction n’est que de 1,44). 

 

Composition du Chloral-Lactophénolé 

Hydrate de chloral .......................................................  40 g
Phénol .........................................................................  20 g
Acide lactique .............................................  80 g (66,6 mL)

Préparation sous la hotte (reliée à l'extérieur) placer sur l’agitateur magnétique jusqu’à obtention d’un milieu incolore et transparent. Conserver dans des flacons fumés (le phénol est sensible à certaines radiations) bien fermés (limiter l’oxydation et l’absorption de vapeur d’eau qui entraînerait une dilution du milieu).

 

 

f) La potasse KOH à 10% dans l'eau bidistillée ne modifie pratiquement pas la taille des cellules et le montage dans KOH à 10% est recommandé pour mesurer avec précision les asques, spores, renflement des paraphyses…

Cette solution absorbe le dioxyde de carbone atmosphérique, devient progressivement inefficace et doit être remplacée lorsqu’un trouble apparaît. Il est conseillé de posséder une petite réserve de pastilles de potasse (10 grammes suffisent pour de nombreuses années) et de dissoudre quelques pastilles dans un peu d’eau bidistillée afin de renouveler la dilution.

 

Remarque : ces différents milieux d'observation sont également utilisés pour placer les substances chimiques (colorants, réactifs…) qui nous permettront de rechercher les diverses structures.

 

g) L'eau salée et l'eau sucrée : bien que ces substances ne soient pas des colorants on peut les citer ; les cellules montées dans ces milieux concentrés perdent l'eau de leurs vacuoles, les pigments vacuolaires restent par contre prisonnier dans un volume plus petit ce qui intensifie la coloration des vacuoles et permet éventuellement de localiser un pigment (qui n'est pas toujours cytoplasmique, membranaire ou incrusté dans les parois).


 

 

 

 

 

Les milieux de réhydratation, de ramollissement et de dissociation

 

Utilisés également comme milieu d'observation, les produits de réhydratation, souvent qualifiés de "regonflants", redonnent aux cellules prélevées sur des exsiccata des dimensions proches de celles qu'elles possédaient sur le frais.

 

Ces milieux (bases fortes) permettent de modifier ou de détruire les substances qui assurent la cohésion cellulaire. Les cellules sont alors séparables les unes des autres et peuvent être étalées sur la lame pour faciliter l'observation. 

 

Plusieurs produits sont utilisables :  

 

a) L'ammoniaque (NH4OH)
est une solution de gaz (ammoniac) dans l'eau. Sa concentration atteint environ 25% dans la solution du commerce. On préfère toutefois la solution diluée à 2-3% ; son action est regonflante mais également légèrement dissociante. Il y a destruction de certains pigments mais d'autres sont nettement renforcés et certaines ornementations sporales bien mises en évidence. Ce produit regonflant sert de solvant pour le Rouge Congo (Congo ammoniacal). 

 

b) La potasse (KOH)
ou hydroxyde de potassium à 3-10% a une action regonflante assez forte. Elle est surtout utilisée pour des tissus coriaces qui ont besoin d'une réhydratation et d'une dissociation énergique. 

 

c) L'hydrate de chloral et le lactophénol (voir paragraphe précédent). 

 

Remarque : Ces regonflants suffisent généralement pour étudier la plupart des caractéristiques cellulaires ; toutefois, si on désire rechercher la disposition relative des diverses cellules, il faut faire des coupes et le matériel d'herbier, cassant, doit être préalablement ramolli. Deux milieux sont parfois utilisés pour modifier la consistance des spécimens secs.

 

Le ramollisseur de Dean

Eau bidistillée ...........................................................  89 mL
détergent vaisselle concentré .......................................  1 mL
glycérine ..................................................................  10 mL

 

Le ramollisseur de Clémençon

ammoniaque concentrée ...........................................  20 mL
Ethanol à 96° ...........................................................  80 mL
glycérine ........................................................................  1 g

 

Au bout de quelques minutes (à parfois plusieurs heures), les coupes sont possibles. Il faut ensuite, avant coloration, éliminer la glycérine par lavage à l'eau (mettre de l'eau et éponger plusieurs fois avec un papier filtre). Les fragments réhydratés avec les regonflants précédemment cités peuvent ensuite être colorés.


Les produits chimiques indispensables aux études macro- et microscopiques des lichens peuvent être obtenus (à prix de revient) auprès de l'AFL (uniquement par ses membres). La confection des réactifs et la livraison a lieu une fois par an avant la session de microscopie de février au laboratoires de Fontainebleau.

 

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